Géopolitique des migrations

CATHERINE WIHTOL DE WENDEN

IRIS – ÉDITIONS EYROLLES, 2019.

 

En « 40 fiches illustrées » (cartes, graphiques et tableaux), Catherine Wihtol de Wenden, fidèle à son objectif de faire « comprendre le monde » des migrations (le monde qui bouge, qui s’exile et les défis sociétaux et stratégiques qu’il pose en ce siècle de mobilité croissante) nous livre tous les éléments essentiels à cette compréhension.

L’auteur a abordé ces Écritures de la survie aussi bien du point de vue de leur contenu que de celui de leur composition (éléments paratextuels, témoignages, etc.), ce qui donne au livre une rigueur anthropologique qui va au-delà d’une simple indignation devant l’horreur. Un livre à lire pour non seulement en finir et en connaissance de cause avec les « années de plomb », mais « pour que de telles abjections soient fermement dénoncées et éradiquées. Non pas par la haine, mais par le rejet absolu de pratiques politiques qui défigurent l’histoire humaine ».

D’abord que « l’histoire des migrations accompagne l’histoire du monde », autrement dit que le monde s’est construit et continue à se construire par et à travers les migrations humaines. Pour ne prendre que les trois derniers siècles : le XIXe connut « la migration de masse des européens », le XXe celles des travailleurs, des réfugiés et de leurs familles et le XXIe la mondialisation des migrations dans tous les sens des points cardinaux.

Ensuite et évidemment, ces migrations ne vont jamais sans poser des « défis » et alimenter des « conflits » : de souveraineté des États qui va avec le contrôle de leurs frontières, des questions de citoyenneté, de nationalité et d’identité, notamment pour les héritiers de cette expérience, des modalités de présences dans les pays d’accueil (discriminations, violences urbaines, etc.).

Enfin, la complexité de ces « dynamiques » dans les différentes régions du monde (Europe, Amériques, Russie, Asie, Afrique, Australie). Territoires façonnés déjà par les migrations ou devenus « continents d’immigration malgré eux » comme l’Europe, les approches, les politiques, les représentations et les dynamiques ne sont pas les mêmes. Là, nous entrons dans la complexité de notre monde contemporain, de l’ »empilement » de ses accords et de ses « réponses désordonnées ».

Cette complexité et ces réponses désordonnées doivent cependant envisager une idée formulée déjà depuis trois siècles par Kant : la Terre est une sphère et une possession commune, et nous sommes condamnés à y vivre ensemble. La mondialisation ou la globalisation économique, les casse-têtes écologiques et ce qu’on appelle les « crises migratoires » l’illustrent déjà. Reste à savoir comment transformer ces essais (déjà inégalement admis) en « perspectives » et politiques cohérentes. C’est le défi auquel s’attelle C. de Wenden dans la dernière partie (Évolutions et perspectives) de son livre.

Plusieurs facteurs sont à prendre en compte dans ces évolutions : les transitions démographiques (un des « grands éléments de la transformation du monde à l’horizon 2050) ; un taux d’urbanisation de la population mondiale à 70 % à la même date ; les « déplacés environnementaux » suite aux bouleversements climatiques ; les « transferts de fonds » des migrants dans leurs pays d’origine ; « l’exode des cerveaux » ; le manque d’un « droit de migrer » dans un monde en migration, etc. Tous ces facteurs militent pour une vraie « gouvernance mondiale des migrations », idée avancée depuis les années 1990 et encouragée depuis par plusieurs organismes internationaux mais qui « se heurte encore à beaucoup de verrous ».

Ces « 40 fiches » organisées en thématiques synthétiques, focus, cartes et graphiques constituent un outil indispensable pour tout acteur désireux de « comprendre le monde » en migration au-delà des représentations souvent erronées sur les migrants.

Abdellatif CHAOUITE

 

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Cet article a été publié dans la revue ÉCARTS D’IDENTITÉ # 133

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