Pourriez-vous vous présenter en quelques mots, nous dire quelques éléments importants de votre parcours, notamment en ce qui concerne votre intérêt pour le sujet des migrations ?

J’ai une formation pluridisciplinaire en sociologie, sciences politiques et anthropologie. J’ai commencé des études de sociologie et j’ai poursuivi avec un diplôme de l’institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. J’ai ensuite réalisé un DEA à l’École des hautes études en science sociales, dont mon sujet de recherche portait sur les changements de noms de rues à Berlin Est après la chute du mur ainsi que les usages et pratiques corporelles chez les sans domicile fixe. Ensuite j’ai fait une thèse à l’école des hautes études sous la direction d’Emmanuel Teray, cette fois en anthropologie sociale, sur la thématique de la mémoire de la RDA dans l’Allemagne réunifiée. Plus spécifiquement j’ai travaillé sur un rite de passages pour adolescents qui était hérité de l’époque communiste. J’ai fait différents post-doctorats qui m’ont amené à continuer à travailler sur les questions mémorielles en Allemagne et j’ai plus spécifiquement travaillé sur les questions de nostalgie de l’époque communiste.
Quand je suis entrée au ministère de la culture en 2007, j’ai réorienté mes recherches tout en conservant une entrée mémoire, ce qui était un peu le fil rouge de mes recherches précédentes. A ce moment-là, j’ai arrêté de travailler sur l’Allemagne de l’Est, en m’intéressant plus spécifiquement à la question migratoire à travers notamment la mémoire et le patrimoine des migrations en Lorraine. J’ai eu un poste de conseillère pour l’ethnologie pour l’Alsace-Lorraine où j’étais responsable de toute la région lorraine. La thématique de la désindustrialisation y était très forte et elle touchait directement les questions de la mémoire des migrations, en lien avec la question de la mémoire ouvrière notamment.
Quand j’ai changé de post en 2011, je suis arrivée à la DRAC pour la région Rhône-Alpes. Là j’ai travaillé sur ma première recherche de terrain à Lyon avec la politiste Nancy Venel sur les questions migratoires. Nous nous sommes intéressées à la façon dont le Rize, un établissement culturel, prenait en charge et appliquait une politique mémorielle en faveur des migrations. Mais aussi à la façon dont cette thématique s’insérait dans un programme culturel et scientifique au Rize. Avec toujours en filigrane les questions de : « est-ce que ça constitue un patrimoine ?», « comment un patrimoine des migrations peut-il dans ce cadre-là se constituer ? Notamment via la conservation de témoignages, donc de la création d’archives orales ». Ce travail s’inscrivait dans un programme de recherche plus général des mémoires.
Dans un second temps, j’ai travaillé avec le CCO, toujours avec cette question de mémoire, patrimoine et migrations. Là il s’agissait non pas de travailler sur des évènements passés, mais de prendre en considération la migration habituelle et la façon dont on pouvait produire des traces de la migration actuelle en écho avec la migration passé. Cela m’a aussi porté à réorienter ma manière de travailler, puisque j’ai mené un travail avec deux artistes qui cocréaient des œuvres avec des migrants dans un centre d’accueil. Ces œuvres étaient conçues sur la base de photos tirées des téléphones portables et sur des musiques, choisies par les hébergés du centre d’accueil qui venaient de tous horizons. Il s’agissait d’hommes jeunes qui venaient aussi bien d’Afrique de l’ouest que du Soudan, de l’Afghanistan…C’était une autre manière de faire de la recherche puisqu’il s’agissait de faire des entretiens et des observations sur la manière dont ce centre fonctionnait. Mais aussi d’une volonté de participer à une création artistique pour coproduire une trace de ce passage des migrants. Ce travail a donné lieu à quelques publications.
Plus récemment je me suis intéressée à cette question migratoire mais à travers le prisme des bains de douche à Lyon. Cela pose la question de « se laver en ville », notamment pour les plus précaires, et celle de « comment on applique des normes d’hygiène aujourd’hui ». Ça questionne a la fois la façon dont on conçoit la manière de se laver, d’entretenir son corps, mais aussi la question du bien être en ville ; sachant que les usagers des bains douches sont en majorité des personnes qui ont un parcours migratoire. Cela concerne des parcours migratoires anciens, mais aussi actuels. Ici, on a la fois des questions qui touchent à l’interculturalité, des questions d’hygiène et santé, et la question de l’accueil aujourd’hui dans la ville de Lyon pour ces personnes migrantes ; ce qui et qui touche peut-être plus largement aux questions d’hospitalité.
J’ai gardé aussi cette volonté de faire du terrain autrement, c’est-à-dire pas seulement selon une vision qui a été mis de la recherche ou le chercheur serait sur son terrain seul ou de façon collective mais sans, il reste dans un cadre scientifique, ce qui m’intéresse c’est aussi de travailler avec d’autres acteurs qui sont dans le domaine de l’art en ce qui concerne les bains de douche, l’architecture. Architectes, je m’inscrits dans un collectif qui s’appelle l’ALCA et on cherche à travailler à sur ces questions de comment on produit des traces de la mémoire des migrations pas seulement à travers des enregistrements d’entretien de témoignages , mais aussi des ambiances sonores, mais aussi comment est-ce que finalement le lieu sur le quel porte la recherche est un terrain d’expérimentation qui permet de d’intervenir directement sur les lieux l’aménagement urbain, sur des modes d’accueil puisque une des spécificités de l’alca c’est de créer des salons urbains, donc d’intervenir dans l’espace public, à la fois produire la connaissance puis que c’est une occasion de rencontres, mais s’enrichie des lieux qui favorisent l’accueil des migrants dans la ville. C’est une entrée un peu spécifique, on pourrait qualifier ça de recherche création ou recherche dite fondamentale. C’est une recherche qui est axée sur une dimension créatrice et une dimension interventionniste ou le chercheur crée lui-même les conditions dans lesquelles il va enquêter.

Concernant les migrations, quelles sont les questions qui sont au cœur de votre travail de recherche ? Pourriez-vous présenter votre démarche, ses enjeux, vos partenaires ?

Il y a toujours une dimension patrimoniale et mémorielle puisque là, même si je travaille sur les migrations actuelles, c’est aussi, sur des pratiques, c’est quand même un peu la question de quelle place on laisse à ces personnes qui sont ont été dans des situations migratoires dans le patrimoine de la ville de Lyon. Une des entrées qui m’intéresse c’est là aussi dans une démarche interventionniste, c’est de travailler dans la production d’un patrimoine migratoire via les bains de douche et plus spécifiquement ce qui m’intéresse c’est d’avoir une démarche de patrimonialisation sur le volet immatériel pour que les bains de douches puissent être reconnus en tant que patrimoine culturel immatériel avec cet enjeu qui est de donner une autre place à la migration dans un patrimoine à l’échelle à la fois locale, municipale mais plus largement national. Puisque le patrimoine culturel immatériel, la première démarche pour avoir un élément inscrit à l’inventaire c’est bien d’insérer cet élément dans l’inventaire national. Il s’agit de la reconnaissance dans le patrimoine national de la migration avec la volonté aussi d’en faire un élément qui ne soit pas figé qui ne soit pas simplement non plus sur bâti, ce sont bien les pratiques, les usages contemporains et passés d’ailleurs des bains douches et comment finalement les usages sont renouvelés par l’arrivé de nouveaux migrants depuis on va dire 2015 à peu près. C’est un enjeu en termes de reconnaissance qui concilie pour moi à la fois mon parcours scientifique d’anthropologue, sachant que je ne suis pas seulement au ministère de la culture mais aussi au CNRS, une mission à 50% au CNRS, et mon parcours en tant qu’agent ministère de la culture où j’ai une posture (politique) de mettre en place et construire une politique patrimoniale en lien avec la recherche plus spécifiquement la recherche en anthropologie. C’est u peu pour moi une manière de concilier à la fois recherche et intervention et politique patrimoniale. Et bien sûr d’enjeu généralement c’est un enjeu éthique, citoyen, qui renvoie à la manière dont on peu faire société aujourd’hui qui est opposé à des modèles qui existent pour les habitants au sens large, d’un territoire.
Concernant les partenariats, c’est à nouveau cette double casquette qui me permet d’avoir beaucoup de partenariats en dehors du champ universitaire. Je m’inscris aussi dans des programmes de recherche dans des laboratoires, avec l’institut convergence migrations mais au même temps je suis aussi, je tisse des partenariats avec des acteurs culturels qui ont cet intérêt pour les migrations. Ça peut être le réseau traces, le cco, le Rize.
Ça fait presque 10 ans que j’ai un séminaire à l’école des hautes études en sciences sociales qui porte sur les mémoires et les patrimoines des migrations, la patrimonialisation des migrations qui permet aussi d’avoir une sorte de veille scientifique sur ce qui se fait dans le domaine du patrimoine et mémoire des migrations.

Comment vous êtes-vous impliqué dans le Réseau Traces par le passé ? Quelles sont vos possibilités de partager votre travail -vos recherches, les ressources qu’il constitue – avec le Réseau TRACES et le public de la région Auvergne-Rhône-Alpes ?

Sur les recherches autour du CCO on a fait différentes présentations de notre travail et surtout avec Magalie Rastello notamment, bon c’est vrai que c’est une création artistique, il y avait une exposition au Rize. En tout cas ça s’inscrivait dans ce réseau traces.
C’étaient plutôt des évènements CCO, je suis intervenue à des festivals, dont mémoires vives, après au Rize je suis intervenue aussi sur d’autres thématiques pour animer des échanges, des débats, j’ai fait une journée d’études, notamment sur les bains de douches. Mais aussi sur des questions de mémoire et migrations à Villeurbanne.
L’année dernière j’avais accompagné la création d’images migrantes, qui était pour moi. Parce qu’au sein du réseau traces j’ai aussi cette double casquette, je suis anthropologue et j’aide le réseau avec ma casquette de ministère de la culture, j’aide financièrement aussi, j’avais suggéré il ; y a longtemps avec d’autres membres du comité scientifique d’exploiter la dimension audiovisuelle pour axer plus spécifiquement le réseau là-dessus, car il y avait de nombreux chercheurs qui travaillaient avec le film. Et des réalisateurs aussi, bien sûr, pas forcément des chercheurs reconnus dans le milieu académique.
L’année dernière j’avais fait venir une réalisatrice, sur la mémoire de sa famille qui venait du Vietnam, la prunelle de mes yeux, tue fan.
Après a chaque biennale il y a des moments où j’interviens, c’est plutôt dans la construction e la journée d’’études ou pour animer un débat ou pour intervenir moi-même sur des questions de mémoire et migrations où dans un premier temps j’avais plutôt travaillé sur des questions de politiques mémorielles que ce soit au ministère de la culture ou l’échelle municipale de Villeurbanne, échelle nationale, échelle locale. Avec cette expérience menée au CCO, j’ai un peu orienté différemment mes recherches parce que je me suis orientée plus spécifiquement aux migrations actuelles, quelles sont leurs interactions au sein d’un quartier d’une ville, qu’est-ce que ça nous dit sur la manière dont on garde mémoire de ces migrations de passage avec aussi une hétérogénéité dans les parcours, dans les profils de ceux qu’on appels migrants.

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