Pourriez-vous vous présenter en quelques mots, nous dire quelques éléments importants de votre parcours, notamment en ce qui concerne votre intérêt pour le sujet des migrations ?

Dans mon parcours d’études et de recherches, j’ai voulu tenir ensemble la compréhension des politiques publiques, des administrations et des professionnels, d’une part, et la compréhension de l’expérience des personnes (réfugiées, immigrées, en migration) d’autre part. Je suis partie de questionnements très philosophiques, en particulier de la lecture des travaux d’Hannah Arendt sur les « sans Etat » (ceux qui parce qu’ils étaient hors de la communauté politique, se trouvaient privés de tout droit et même du droit élémentaire d’avoir des droits), mais j’ai voulu aller voir sur le terrain ce qui se passait pour les personnes, et qui, concrètement, assurait les services et les politiques qu’un Etat assure d’ordinaire. J’ai effectué une première recherche sur un camp palestinien en Syrie, au cours de laquelle je me suis intéressée à la fois à l’UNRWA (agence des Nations-Unies en charge de la protection des réfugiés Palestiniens au Proche-Orient) et à la société civile du camp. Par la suite, je me suis efforcée d’étudier ensemble ces points de vue différents, ceux des politiques publiques et ceux des personnes concernées. Ma thèse de doctorat portait sur un autre volet de recherche, la prison. Mais en 2016, comme je menais aussi un projet de vulgarisation des sciences sociales en bande-dessinées avec l’autrice de BD Lisa Mandel, j’ai décidé de l’accompagner à Calais pour un reportage dessiné ; cela ne devait durer que quelques jours, pour témoigner de la situation dans la « jungle » de Calais. En réalité, nous avons suivi la situation pendant 9 mois et j’ai poursuivi l’étude de l’accueil et du non accueil en France sur différents terrains par la suite

Concernant les migrations, quelles sont les questions qui sont au cœur de votre travail de recherche ? Pourriez-vous présenter votre démarche, ses enjeux, vos partenaires ?

Mon travail de recherche est ancré dans une approche ethnographique qui se base sur l’observation, la familiarisation avec un milieu d’étude et des enquêtés. Il est surtout ancré dans des collaborations multiples, au sein de programmes de recherche collectifs, comme l’équipe « Babels » avec Michel Agier, avec qui nous avons publié plusieurs textes sur Calais et les politiques européennes de la « crise » migratoire ; ou encore l’équipe « Liminal » rassemblant des anthropologues et des linguistes spécialistes des langues des personnes migrantes afin d’étudier cette dimension linguistique de l’accueil des étrangers et la formation d’un argot de la migration (voir ici: https://liminal.hypotheses.org/). Ces expériences collectives offrent la possibilité de décloisonner les disciplines des sciences sociales en croisant des approches sociologiques, historiques, géographiques, linguistiques etc. D’autres expériences permettent aussi de décloisonner les savoirs académiques et d’engager la discussion avec un public plus large, et c’est dans ce cadre que j’ai pu participer aux activités du réseau TRACES, notamment à l’occasion de soirées-débats autour de films.

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